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L’Australie occidentale et ses bébés animaux

Vous avez vu des centaines de photos de voyages, des milliers même, toutes plus belles les unes que les autres… Mais ce qui vous attache à votre photo, c’est l’histoire que vous avez vécu derrière, une histoire parfois grotesque, hilarante ou juste incroyable.
En me rendant dans un immense ranch d’Australie Occidentale, sur le bord de l’Océan Indien, j’ai eu l’occasion de prendre la photo d’un bébé kangourou, et derrière cette photo, une histoire que je ne raconte pas, ou presque…

La photo du bébé kangourou

Elle fait son petit effet, la photo du bébé kangourou. En plein désert et pas dans un parc d’attraction, elle n’est pas banale cette photo dans laquelle je tiens contre moi un bébé kangourou. Elle est tellement mignonne cette photo que peu de gens réalisent quel privilège rare ce peut être de tenir un petit animal sauvage. Sentir le pelage doux et tendu de cette petite vie, les battements rapides de son cœur, la vitalité de ses muscles. Les réseaux sociaux et l’actualité abondent d’images et de vidéos incroyables qui participent quelque part au déclin de l’émerveillement simple, sincère et réel de ce genre de choses.
Accaparés par le bébé marsupial, plus rares encore sont ceux qui remarquent mon air contrit, loin de s’imaginer l’émotion que je vis à l’instant de ce cliché.

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Après une heure d’attente sur le bord d’une route de la petite ville de Carnavon, en Australie Occidentale, je suis récupéré par Tomas. A une lettre près mon homonyme, ce jeune italien passe une année en Australie grâce au visa vacances-travail. Son travail du jour, outre me transporter sur mon nouveau lieu de travail, a été de récupérer des provisions pour la communauté reculée où je m’apprête à séjourner. Nous faisons connaissance pendant les deux heures de route qui nous emmènent dans le gigantesque domaine perdu en plein désert, au bord de l’Océan Indien. La piste est terreuse et irrégulière et la visibilité diminue avec le soleil déclinant. Surtout, le crépuscule est un moment critique sur les routes d’Australie. En effet, c’est à ce moment que les kangourous sont le plus susceptibles de se déplacer et une vigilance supplémentaire est de mise.

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Ce qui devait arriver arriva. Avant même que je ne puisse avertir le conducteur de ma vision d’un kangourou se projetant devant nous que le choc se fit retentir contre notre camion. Surprise et effroi se reconnurent dans nos regards qui se croisaient alors que notre véhicule s’immobilisait. Je descendais promptement du camion et auscultais le malheureux animal pendant que mon comparse vérifiait les dégâts faits au camion. Du sang sortait de sa bouche. Sa respiration bruyante et haletante ainsi que son immobilité ne laissaient rien présager de bon.
Observant quelques mouvements au niveau de son ventre, mon appréhension fit un bon et mon effroi s’apprêtait à faire de même quand je dus aller chercher le bébé kangourou dans la poche de sa mère mourante. Je fus d’abord libéré de découvrir l’enfant de quelques semaines miraculeusement indemne avant de réaliser immédiatement que je venais de le sortir de la poche de sa mère mourante. Ultime sacrifice parental face auquel je ne pu retenir mes larmes. Sa mère rendit son dernier soupir au moment où nous nous interrogions avec Tomas sur le besoin d’abréger ses souffrances.
Je fus soulagé de ne pas avoir la responsabilité du conducteur dans cet événement bien que je du endosser celle du dissipateur d’attention, déjà bien assez lourde. Je ne pu m’empêcher de compatir à la douleur que Tomas du ressentir.
Il traînât sa dépouille dans un coin reculé pendant que je tenais l’orphelin dans mes bras, trop conscient de la douleur de séparation que ce petit être vivait en cet instant décisif de sa vie. Ses petits cris me déchiraient le cœur et je ne pu que lui donner tout mon amour d’être vivant à être vivant pour essayer d’apaiser son tourment. Survivrait-il à cette séparation, seront-nous en mesure de nous occuper de lui, était-il seulement sevré ?
La vie, la mort, partout dans le monde, ce rythme, ce cycle, cette réalité. Tomas voulut que je le prenne en photo avec et, presque à contrecœur, partagé entre la culpabilité de ce voyeurisme mortifère et l’envie de garder une preuve de ce moment inoubliable, je me résolu à lui demander de faire de même.
J’ai gardé contre mon cœur le bébé kangourou tout le reste du trajet, tentant par mes modestes moyens de calmer ses cris, son incompréhension et ses coups de pattes.
Tomas, se sentant responsable, fit tout son possible pour trouver une issue à la vie de l’orphelin. Ce fut un relâchement et une consolation d’apprendre deux jours après qu’il avait pu trouver un refuge privé pour animaux dans la ville voisine.

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Finalement, la photo du bébé kangourou, c’est beaucoup plus qu’une photo mignonne, c’est une histoire difficile à raconter, un événement déchirant, finalement c’est une histoire sur la mort, une histoire sur la vie.

Je ne resterai pas très longtemps sur le ranch tant les conditions de travail sont précaires et dures. Mais les cadeaux ont pourtant afflué. Au crépuscule, bébés chèvres côtoyaient jeunes kangourous au point d’eau ; au bord de l’océan, des déserts de dunes gigantesques donnaient l’impression de mener au soleil, et des équipements (ici pompe à essence) qui donnaient l’impression d’avoir été volé sur le tournage de Mad Max…

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Cette partie de mon aventure se terminera sur une note tout aussi incroyable que la première, aussi dure et aussi belle. J’ai eu la chance d’accompagner les assistants de biologistes pour des relevés de nids de tortues avec l’espoir d’en apercevoir une. Après une longue marche sans succès, mon regard s’est posé sur un minuscule rocher se baladant vivement à nos pieds ! Miracle de la nature que cette vie de seulement quelques minutes qui se rue vers l’océan, mu par un instinct millénaire. Quelle émotion à son arrivée dans l’eau.

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Encore une fois, la mort et la vie ne font qu’un. Atteindre l’Océan au prix du sacrifice de dizaines peut-être de centaines de ses frères et sœurs… Et son chemin est loin d’être terminé. Après les crabes et les oiseaux, l’Océan réclamera aussi son tribu. Le cycle de la nature, de la vie et de la mort, auquel nous sommes tous soumis.

Il y a des voyages et des aventures où la vie nous rappelle ce que nous sommes ainsi que ses sages et immuables règles.

Merci de m’avoir lu.

Thomas Bazin

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