C'est vous qui le dites ! Namibie

Le plus terrifiant, c’est l’interminable silence qui suit le rugissement du lion

Je reviens d’un voyage en famille avec mes 4 enfants, en Namibie. Sur place, nous avons retrouvé un vieil ami, Félix, guide et patron d’écosafaris, entreprise de tourisme responsable.

Namibie. Hoanib River. Premier jour.

L’entrée du Hoanib est toujours aussi difficile à trouver. À la sortie de Seisfontein il faut prendre à gauche, dans un océan de poussière, lardé de traces de 4×4 qui cherchent et semblent tourner en boucle. Si dans une demie heure on est dans le river bed, c’est qu’on aura été bons dit Félix. On enclenche le 4×4, à fond dans les ornières de sable très fin de souvent 30 à 40cm de profondeur, on laisse un immense nuage de poussière autour de nous, il en rentre par tous les côtés même fenêtres fermées. Basile est aux anges!  Une demi-heure plus tard, nous y voila. Une gate où deux gars nous attendent pour que l’on paye nos droits d’entrée.

– Have you seen lions?
– No, the last one was a week ago.
– Ok, maybe we will found some down the river tomorrow. Bye.

Félix nous emmène dans un spot à lui, à 15 min de là. Superbe. On est sous les rochers, face à une longue vallée encerclée par un cirque montagneux. Au loin, en bas, le Hoanib river se devine là où les montagnes se rejoignent.

On monte le camp, fait un feu, partage un superbe repas.

Les enfants couchés, on traîne un peu avec Félix autour d’une petite poire qu’il a pensé à ramener. Les retrouvailles sont belles, franches, sincères. Ça fait très longtemps que l’on a pas eu l’occasion de discuter et c’est bon.

De G. à D. Manon, Robin, Basile, Jeanne, Mathieu, Emilie et Félix

Et puis on part se coucher. Nuit douce et calme, les geckos s’interpellent de leurs cris si typiques. On dirait des grenouilles. On s’endort.

PUTAIN C’ÉTAIT QUOI CE BRUIT???

Le rugissement d’un lion, j’en suis presque sûr. Ça m’a réveillé. C’était fort, putain. Les autres dorment, je n’arrive pas à refermer l’œil.Tout est tellement silencieux. J’ai beau tendre l’oreille. Rien. Un pur silence. Je n’arrive pas à dormir. Je veux le réentendre. Être sûr.

MERDE! C’EST UN LION! PAS DE DOUTE.
IL A RUGI A NOUVEAU. LENTEMENT ET TRÈS FORT. IL A L’AIR PROCHE.
SON RUGISSEMENT EST GLAÇANT, ROQUE ET CAVERNEUX.
J’AI LE TROUILLOMETRE A ZÉRO.

Ça a réveillé Emilie. C’est un éléphant? 

– Non, un lion.
– Merde.

Robin, qui dort entre nous, bouge un peu, fait un peu de bruit. Trop de bruit dans ce silence infini.

– Shhhhhhhhhut…..

Il se rendort. Ouf.

On écoute, se pose des questions, on épie ce silence, cloîtrés dans l’univers dépourvu de toute lumière de notre tente. Les yeux grands ouverts. Le ventre noué. Le souffle court.

IL RUGIT A NOUVEAU.
C’EST BEAUCOUP TROP EFFRAYANT.
JE CROIS QUE JE N’AI JAMAIS EU AUSSI PEUR DE MA VIE.
C’ÉTAIT HYPER FORT.

À quelle distance est-il? Sont-ils? Le son peut faire écho dans le cirque montagneux où nous sommes. Emilie pense qu’ils sont dans les fourrés, à environ 500 m. Je ne crois pas. C’était vraiment fort. Ça avait l’air vraiment proche. En même temps c’est si difficile à évaluer. Combien sont-ils?

Je suis un connard d’être venu ici avec mes enfants. 4 appâts merveilleux, odorants. Et si l’un d’eux se réveille?

Et ce silence. C’est bien trop angoissant ce silence.

Que se passe-t-il?

Manon parle un peu en dormant, ça fait bouger les autres dans leur sac de couchage.

SHUTTTTTT!

Les lions sont peut-être en train de roder autour des tentes.

Tant qu’ils ne nous voient pas et ne nous entendent pas on ne craint rien.

Mais s’ils rugissent à nouveau, réveillent et effraient les enfants, il va falloir que je sorte de la tente et que je me jette dans celle des enfants, pour les rassurer, les faire taire.

Je me dis qu’un lion a beau être un lion, avec toute sa puissance, c’est avant tout une bête sauvage. Et je suis aussi très étranger à leur monde. Si je sors, le bruit de la fermeture éclair de la tente, la lumière de la frontale, peuvent les faire reculer. Mais peut être pas. Peut-être qu’ils vont me cueillir en sortant.

Je ne suis tellement rien ici. C’est leur monde. Je suis une merde. J’ai TRÈS TRÈS TRÈS peur. Émilie aussi.

Mais Thanks to god, les enfants dorment.

UN NOUVEAU RUGISSEMENT!
PLUS COURT.
ET SURTOUT PLUS LOIN.

Plus loin.

Un groupe de babouins se met à crier. Ils sont loin. Ils ont vu les lions. On est sauvés.

Je reste éveillé encore longtemps. Impossible de savoir combien de temps.

Il y a à nouveau du bruit dans la savane. C’est rassurant.

Je m’endors.

Le jour se lève. Enfin. Il faut que je sorte de cette tente. Voir de mes propres yeux. Tous ces bruits et ce silence étaient beaucoup trop angoissants pour moi. Besoin d’utiliser d’autres sens.

Le campement, avec au fond la tente de Félix

Pas de trace devant la tente. Pas de trace autour du 4×4. J’ai probablement flippé pour rien.

Et puis non. Je trouve la première emprunte à une dizaine de mètres de notre tente.

C’est énorme. Je n’en avais jamais vu, mais là pas de doute.

Je remonte la piste. Apprenti bochiman.

Empruntes

Apparemment un lion solitaire, venu d’un bosquet en bas a gauche du camp.

Il est arrivé droit sur notre tente. A continué un peu en contrebas, longeant nos installations, mais en restant à distance. Puis les traces prennent carrément la direction de la tente de Félix, située vers la droite à une vingtaine de mètres de nous. Carrément. C’est ouf.

« Buddy? »

Son ton effrayé en dit long. Lui aussi a entendu les rugissements.

« Putain buddy! Le choc! J’ai entendu du bruit, je me suis assis et j’ai vu qu’il me manquait une pompe (Félix avait gardé ouverts les rabats de sa tente, ne fermant que la moustiquaire). Con de con, un chacal est venu me la piquer. J’ai ouvert la moustiquaire et récupéré ma 2eme chaussure, laissant là une petite bouteille d’eau (il me montre l’entrée de sa tente). Puis je me suis recouché. J’ai directement entendu du bruit, je n’ai pas bougé. Et il est arrivé. Du moins, elle. J’ai parfaitement distingué sa silhouette le long de ma tente à 50cm de moi. Une grosse lionne, c’est quand j’ai vu ses oreilles de chat dans la pénombre que j’ai su que… Putain, j’ai flippé mec! Elle s’est arrêtée à mon niveau, m’a regardé. Et puis elle a pris ma bouteille d’eau. Puis mon sac de tente, puis un autre que l’on avait laissé à coté de la table à manger pour que Robin joue avec pendant le repas. Je ne sais pas combien de temps a duré son cirque, c’était interminable. Je suis resté allongé sans bouger, mon couteau à la main. Et puis elle a rugi. Juste là (il me montre le buisson accolé à sa tente). J’étais pétrifié et hyper en colère. Contre elle, ne réveille pas les enfants! Contre moi, je suis un connard d’avoir mis la famille en danger. Je me disais sans cesse, si elle réveille les enfants, je fais un sprint jusqu’à la voiture et je la fais fuir. Mais la voiture est-elle ouverte? Les clés sont-elles dessus? Ai-je une petite chance d’y arriver? « 

Choqués. On a été choqués.

On en reparle tous les 3 toute la journée. On a suivi les traces. Une seule lionne. « Les lionnes du désert pèsent en moyenne 120 kg, les mâles 160-170 kg, parfois plus. » On a retrouvé dans les buissons la chaussure de Félix, la bouteille d’eau, les sacs de tente. Ce qui est rassurant en voyant les traces, c’est qu’elle est venue prendre des objets et est vite partie dans les fourrés analyser ses prises. On reste étrangers à son univers.

Les enfants montrent les traces de la lionne

On fera une superbe journée dans le river bed à observer éléphants, girafes, babouins, koudous. Et puis on rentrera à notre campement. Plié la tente de Félix. Rangé tout ce qui pouvait traîner. Voiture contre les tentes, les clés sur le contact.

Félix avec Jeanne et Basile. Émilie et moi avec Robin et Manon. Prêts. Mais elle n’est jamais revenue.

Au réveil le lendemain on était presque déçus.

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